LE PETIT MONDE
               DE
  DOM LE CORNEC




                Voyage à travers les siècles

Continuons notre ''visite'' du patrimoine inconnu du grand public.

Après Saint Golven, nous allons continuer dans le même ''registre'', pour vous dévoiler la restauration de notre registre de baptêmes, qui se trouve être l'un des joyaux nationaux.

Il a le titre d'être le plus vieux registre de baptêmes de Bretagne de France et même de l'ancienne Europe. 

                  Encore une belle page d'histoire, celle de Lanloup   
                                               (photo Archives Départementales)

Depuis sa venue sur terre, l'homme, grâce à son génie, (parfois hélas bien mal employé), n'a cessé d'inventer toutes sortes de machines capables de le transporter, de l'emporter au plus profond des mers, autour de notre bon vieux globe et pour les privilégiés à la conquête planétaire.

Cependant, malgré les technologies les plus avancées capables de ces prouesses, aucune invention n'est encore à ce jour parvenue à le projeter dans le temps et à lui faire revivre l'époque des Nobles Seigneurs et des Gentes Dames. Preuve que le temps perdu ne se rattrape jamais.

Ce genre de promenade à travers les siècles demeurera hélas (car je suis acheteur du premier billet) du domaine de la fiction.

Pourtant l'être humain semble de plus en plus préoccupé à rechercher ses origines, à explorer ses racines qu'il tente de mettre au grand jour, en creusant aussi profond que possible avec l'outil de la généalogie. Notamment avec les mises en ligne des archives pour notre département des Côtes d'Armor.

La caverne d'Ali baba

Il existe cependant un lieu qui permet de remonter en douceur le temps et de recevoir dans certaines occasions une dose de rayonnement émotionnel.

Le registre de baptèmes de Lanloup de 1467, se trouve être l'un dès plus vieux de l'ancienne Europe. C'est également l'un des joyaux nationaux.

Ce monde du silence dont j'ai poussé les portes, n'est autre que le monde des Archives Départementales des Côtes d'Armor, installé depuis Juin 1988, rue François Merlet à Saint-Brieuc, endroit fréquenté par les historiens de divers degrés.

Cette caverne d'Ali baba renferme bien des trésors, dont l'un des joyaux est une pièce d'archive paroissiale du XV^ème siècle, appartenant à notre commune de Lanloup.

                               Notre beau livre d'Histoire...
                                      (photo Archives Départementales)

Monsieur Alain Droguet, directeur des archives départementales à l'époque de mes recherches, m'avait aimablement reçu et conté la fabuleuse histoire de ce registre.

Ce n'est pas sans émotion, sans respect, que l'on s'en approche, qu'on le découvre et que l'on contemple ce manuscrit de petite taille, à la couverture de bois de châtaigner. Il est articulé par un nerf de peau, le tout renferme jalousement la vie paroissiale de Lanloup de l'an 1467 à 1505, tout au long de 30 feuillets rédigés en Latin, dont 7 ont malheureusement disparu.

Faciliter les procès canoniques

Les patientes recherches de M. René Couffon, vice-président de la société d'Emulation des Côtes Du Nord (à l'époque), ont permis de signaler pour la première fois l'existence de ce registre, ce qui classe notre département (22) au nombre de ceux qui possèdent les plus anciennes collections d'état civil.

Encollage d'une double mousseline de soie servant à renforcer le document
                                               (photo Archives Départementales)

Ce sont des ordonnances épiscopales qui ont provoqué l'existence des plus anciens registres de baptêmes, la tenue de ces registres pouvait éviter d'énormes difficultés lors des procès canoniques.

L'évêque de Nantes, prit le premier cette mesure en 1406, puis celui de Saint Brieuc en 1421, suivi de celui de Dol vers 1445, dont relèvai la paroisse de Lanloup.

Les archives de la Mairie bien que, fort bien tenues, étaient entreposées dans un local exigu qui ne permettait pas de réserver la place nécessaire aux documents anciens, il règne toujours dans ces cas des risques de toutes sortes, graves pour de telles pièces précieuses.

Ces feuillets étaient d'ailleurs disséminés en plusieurs endroits, certains pliés en deux avaient dû servir de page de garde pour d'autres archives.

Les feuillets sont pris en sandwich dans la mousseline de soie, sortant de la presse
                                                    (photo Archives Départementales)

M. Pierre Le Cornec, Maire de Lanloup, fut sensible aux arguments de M. François Merlet, archiviste venu découvrir ce bijou. Le conseil municipal consentit, par délibération du 1^er aout 1926, à faire déposer aux archives départementales le dit registre et l'ensemble des registres de la paroisse. Ce qui fut fait le 5 juillet 1927, un an après.

Anciennement relié entre deux ais qui protégeaient ses parchemins, on constate que le foliot 37, porte à son verso la mention FIN, il manque les 6 premiers feuillets et le 29^ème. Il est cependant heureux que ce registre ait été écrit sur parchemin, et non sur papier, car, à ce jour il n'existerait plus, le papier devenant très friable sous l'action du temps et de l'humidité.

Des menaces d'excommunions

C'est peut-être un miracle de posséder de nos jours cette pièce quand on songe aux nombreuses causes de destruction qui auraient pu l'anéantir depuis plus de cinq siècles.

            Couture sur nerfs du document à l'ancienne sur le cousoir
                                          (photo Archives Départementales)

Un miracle ? Bien que le terrain soit propice, peut-être pas. Tout comme la malédiction veille sur le tombeau du Pharaon Toutankhamon, les menaces proférées par le curé de l'époque François Le Cornec, ont porté aussi leurs fruits, ce qui a permis à ce registre de traverser les siècles sans trop d'embûches.

Une mention portée en tête de la page 31 indique ceci (recopié fidèlement) :

« Ce présant registre, apartient alla fabrice de la paroisse de Sainct Loup, esvesché de Dol. Quy le trouvera, sy perdu est, sera condamné, a peine d'estre escommunyé...

Le 8è jour d'austz mil V. cents quattre vingtz F. LE CORNEC, curé »

Remercions au passage l'excellente initiative de M. le curé, car le registre suivant date de 1590.
 

         Document cousu prêt à passer en corps d'ouvrage (ais de bois)
                                          (photos Archives Départementales)

Le plus ancien des feuillets débute par un acte du 24 aout 1467 et le plus récent fut terminé en 1505, après Pâques. Le nombre de baptêmes variait de 0 à 16, on présume que ce registre à du être ouvert au moins dès 1465. Avec précision sont donnés les noms et prénoms du baptisé, ceux des parents, du prêtre, des parrains, marraines et la date exacte.

Soulignons au passage qu'à l'époque et encore au XVII^ème siècle, l'usage était de donner au garçon deux parrains et une marraine et l'inverse pour une fille.

Sur 51 de ces actes, on remarque que 16 enfants sont originaires de Plouha, 11 de Plouézec et 1 de Pléhédel, soit plus de la moitié sont étrangers à la paroisse de Lanloup. Les habitants de ces agglomérations venaient y faire baptiser leurs enfants car le bourg était beaucoup plus accessible que celui de leur propre paroisse, surtout l'hiver.

                                         Détail de la couture
                                        (photo Archives Départementales)

Il est incontestable que pour les généalogistes, ces registres sont des plus précieux car ils donnent différentes écritures des noms de lieux, des hameaux, châteaux et une mine considérable de renseignements concernant les familles.

Voici quelques familles nobles ou notables du pays :

Du Boisgelin, de Botloy, Buder, Couffon, Johan, Kerbimon, Kérégant, de Ferenen, de Kergozou, de Keriolier, de Kernenenoy, de Lanloup, le Picard, de la Noë Verte, du Quellenec, de Quoetguezenec, de Quoetmen, de Quetqueneron, Raison, Rolland, de Trougouff.

On y trouve également la liste des recteurs, curés et autres prêtres résidant dans la paroisse, les prénoms d'usage, donc les Saints honorés à l'époque. Il fournit une donnée très curieuse au sujet de la date de l'année à laquelle changeait le millésime, soit à Pâques ou à Noël. On y trouve consigné des faits anecdotiques relatant les épidémies, inondations, le passage d'une comète etc...

De nos jours les nombres de naissances et de décès sont utilisés comme renseignements statistiques divers, en particulier sur la densité et le mouvement de la population.

Lanloup connu à Paris 

Soixante ans après son dépôt aux archives départementales, en juillet 1987, M. Alain Droguet, décide de faire procéder à la restauration du registre de Lanloup. Certains feuillets n'étant plus qu'en état de fragments, il contacte les archives nationales qui d'ordinaire n'effectuent aucune restauration pour le compte des archives départementales.

                                  Une très belle restauration
                                        (photo Archives Départementales)

Mais, Lanloup est déjà connu à Paris, car le registre fut présenté en 1959 lors d'une exposition consacrée à l'histoire de l'état civil. Compte tenu de l'intérêt de cette pièce et à titre exceptionnel, ce document étant considéré comme l'un des plus prestigieux du patrimoine national, sa restauration fut entreprise pour la somme de 18 000 F.

M. Droguet, qualifie cette somme de prix d'ami et de cadeau, car dans un atelier privé la restauration aurait été de moins bonne qualité et bien plus onéreuse, la reliure ayant été réalisée selon les techniques du Moyen Age.

                                         Il était une fois...
                                        (photo Archives Départementales)

Ce registre qui reste la propriété de la commune de Lanloup, est enfermé dans un carton neutre sans risque d'agression pour la restauration et entreposé dans un magasin tenu à température et à un degré d'hydrométrie constant soit : 18° et 55 % d'humidité, ce qui lui assure une parfaite conservation.

Il lui arrive cependant de voir le jour pour les grandes occasions, comme lors de l'inauguration des locaux des archives départementales en 1988 ou il fut entre autre présenté au ministre de la culture Jacques Lang, il est également sorti lors d'expositions du service éducatif.

M. Alain Droguet ancien Directeur des Archives Départementales de Saint Brieuc.

D'un âge plus que respectable on comprend aisément qu'il est à manipuler avec grandes précautions.

Remerciements

C'est un fabuleux voyage à travers les siècles que m'a offert M. Alain Droguet, que je ne remercierai jamais assez, de son aimable accueil, de m'avoir permis de prendre en mains ce trésor appartenant à ma commune, pour le prêt des photographies des différentes étapes de la restauration de ce registre, ainsi que pour la communication des mémoires de M. François Merlet, son prédécesseur, qui m'a permis de vous faire partager aussi précisément que possible, ce beau voyage à travers les siècles.